Le premier principe de la Médecine Traditionnelle Chinoise a toujours été la prévention qui doit précéder le traitement de la maladie. Son approche est dès lors toujours globale, en ce sens que la personne est appréhendé dans son ensemble et qu’un << bon >> médecin se doit de choisir, à un instant donné, les moyens les plus adaptés pour prévenir l’installation de la maladie. Ces moyens peuvent être d’ordre physiques tels que les massages, les techniques respiratoires, le taoyin qui regroupait l’ensemble des arts énergétiques permettant de maintenir la santé aussi bien que de traiter les maladies. Traditionnellement, le daoyin est subdivisé en trois formes : le yinjan daoyin (travail et apaisement de la santé), le shizi daoyin (ajustement des attitudes), le diaoxi daoyin (régularisation de la respiration). Le médecin peut faire usage des moyens chimiques telle que la pharmacopée et psychiques en y recourant aux différentes techniques respiratoires et méditatives.  

Les moyens pour assurer une bonne prévention aussi bien que pour traiter les maladies sont variés et le choix va dépendre non seulement du médecin mais aussi de la personne et de son environnement. Dans le Suwen, on lit : << Le sage est électique et adapte sa thérapeutique aux cas particuliers, et c’est ainsi que des traitements différents peuvent être également efficaces. Les circonstances de la maladie indiquent le genre de traitement >> (SW. 12). Le patient est également concerné par le choix de la méthode à utiliser : << A celui qui croit aux démons, on ne parle pas de traitement médical. A celui qui répugne aux piqûres, on ne parle pas d’acupuncture. A celui qui ne veut pas se soigner, on n’imposera aucun traitement >>

 Acupuncture – Moxibustion, un moyen thérapeutique simple et efficace

Si les massages, les arts énergétiques (le tai chi, le qigong…), l’hygiène et la diététique constituent des piliers de la prévention, la thérapeutique utilise principalement l’acupuncture – moxibustion d’une part, et d’autre part une riche matière médicale (la pharmacopée), chacune ayant des indications préférentielles mais non exclusives. 

De l’acupuncture, nous pourrons dire que c’est probablement l’un des systèmes thérapeutiques alternatifs les plus anciens et pratiqué avec la plus grande continuité dans le monde, bien qu’en 1929 quelques médecins chinois formés à la médecine occidentale au Japon avaient demandé au gouvernement nationaliste chinois que la pratique de la médecine traditionnelle chinoise soit interdite. Cette exigence révolta toutes les couches sociales de la population. Mais le 17 mars 1929, le gouvernement finit par rétablir la pratique de cet art millénaire. André Faubert, dans son Traité didactique d’Acupuncture Traditionnelle, déplorait à juste titre que << quel que soit le pays, la formation médicale de type occidental, entraîne une mentalité particulière, développant un esprit de caste et le désir de création d’un monopole >>. Nous n’allons pas ici nous engager dans ce genre de débat. Notons avec intérêt qu’en 1972 lorsque le journaliste James Reston accompagnant le président Nixon en Chine, écrivit un article dans le New-York Times relatant comment les médecins chinois utilisant l’acupuncture pour contrôler la douleur post-opératoire de son appendicectomie subie en urgence et comment il s’était remis promptement. L’article de Reston ne manquait d’intriguer la communauté scientifique occidentale mais laquelle finissait par penser que le traitement de la douleur par l’acupuncture était relativement simple et empirique et que la pratique élémentaire consiste à piquer les zones locales et adjacentes et qu’un médecin occidental pourrait obtenir les mêmes résultats en travaillant sur des points gâchettes modernes. Pour ces médecins modernes, c’est tout ce que la Médecine Traditionnelle Chinoise était capable d’offrir.  

Seuls ceux qui ignorent la profondeur de la Médecine Traditionnelle Chinoise peuvent penser de la sorte. Supposons que trois personnes vont consulter un médecin occidental pour un problème d’insomnie. Il est très probable qu’ils vont sortir avec un même médicament qui traite la migraine. Mais, suivant les principes de la médecine chinoise, une insomnie peut provenir :

1) d’un vide de Coeur et de la Rate suite à des réflexions excessives ou à un surmenage qui blessent le Coeur et la Rate. Des pensées perturbatrices, des soucis, des ruminations blessent le Coeur qui n’arrive plus à contrôler le Shen (l’esprit) et l’affaiblissement de la Rate ralentit la formation du Qi et du Sang ce qui affecte le sang du coeur. L’insomnie peut dès lors se produire. 

2) Une rupture entre le Coeur et les Reins peut également provoquer des insomnies. Une insuffisance congénitale, des activités sexuelles excessives  ou simplement une longue maladie lèsent le yin du Rein qui n’arrive plus à monter pour inhiber le Feu du Coeur, il en résulte d’un excès de Feu. De fait un déséquilibre entre le Feu du Coeur et l’Eau du Rein apparaît, ce qui trouble également l’esprit et provoque l’insomnie. 

3) Une dépression psychique peut entraîner une stagnation du Qi du Foie qui se transforme ensuite en Feu du Foie. Et si le Feu monte excessivement, l’insomnie apparaît. 

4) Un régime alimentaire inapproprié blesse la Rate et l’Estomac et provoque la formation de la Chaleur et de l’Humidité  dans le Réchauffeur Inférieur et si le Feu monte et empêche la descente du Qi de l’Estomac, l’insomnie apparaît.  

Cet exemple a le mérite de montrer qu’une insertion d’aiguilles est loin d’être un acte anodin, mais raffiné et bien pensé suivant un diagnostic différentiel (Bian Zheng) qui est une méthode d’analyse et de synthèse des signes et des symptômes afin de dégager le  » syndrome  » du problème. Ce n’est qu’ensuite qu’il est possible de déterminer un traitement approprié. 

Un établissant un diagnostic différentiel, il est possible de voir un autre aspect particulièrement important, celui du rôle de l’état mental et émotionnel. En effet, un déséquilibre émotionnel est l’une des causes du développement traditionnel de la maladie et des comportements. Adapter le traitement, c’est aussi chercher à prendre en compte ce niveau psycho-émotionnel de l’individu et de fournir un soutien émotionnel approprié. De fait, l’acupuncture ne traite pas uniquement le corps physique ou énergétique de l’individu mais tient compte également toute sa dimension spirituellement.