Le bouddhisme Ch’an fut introduit conjointement à la médecine traditionnelle chinoise au Japon vers le XIIè siècle. Cette dernière se caractérise par l’idée que l’ensemble de l’univers est mû par une force unique, le Ki, ou le Chi. Le chi est une énergie créatrice qui anime l’univers, et c’est de son équilibre et de sa puissance que dépend la santé. Il prend des formes variées selon ses fonctions et c’est également lui qui, guidé par l’intention, induit des transformations internes tant sur le plan physique, émotionnel que spirituel. Les principes de trainement sont : l’usage des substances naturelles (la pharmacopée), les massages (tuina, daoyin…), l’acupuncture, la moxibustion, les bains médicinaux, les exercices corporels (taiji, qigong…)

La médecine chinoise, très érudite et structurée qui accordait une place fondamentale au corps avait apporté au Japon la conscience des mécanismes énergétiques ; les Japonais, quant à eux, en donnaient au fil des siècles une empreinte personnelle en ajoutant le sens de la rigueur, de la discipline et l’esprit de la ritualisation. Ce trait de caractère si propre à l’âme japonaise permet d’éclairer le sens du bien-être dans la vision japonaise.

L’art du bien-être dans la culture japonaise

Le bien-être, dans la plupart des traditions, est synonyme d’abandon du corps et de l’esprit. Au Japon, il en va différemment. Dans sa quête d’harmonie, tout doit être mesuré, contrôlé et conscientisé. Et malgré cet apparent paradoxe, la méthode demeure très efficace, car on parvient immanquablement à un état de sérénité et de présence à soi-même.

En effet, suivant l’art du bien-être japonais, aucune sensation de relaxation ne peut surgir d’une dilution de tensions. Bien au contraire, la relaxation comme toue autre activité doit être ritualisée et intériorisée. Tout centrage doit être valorisé car il s’agit de diriger son attention en des points précis tandis que tout le reste du corps atteint un niveau de dépouillement qui finit par en annuler toute autre exigence. Cet état d’esprit se retrouve dans toutes les disciplines ou tous les arts japonais. Et dans un contexte de santé ou de bien-être, la concentration et le centrage deviennent alors source d’énergie et d’harmonisation. C’est pourquoi il n’est pas rare, à l’issue d’une séance de shiatsu, de se retrouver dans un état de méditation spontanée d’une qualité souvent exceptionnelle.

Le shiatsu, une voie d’éveil

Le shiatsu, comme nous l’avons vu, consiste en différentes pressions des doigts, mains, coudes… sur des points où circule l’énergie. Au cours de ces appuis, le thérapeute ne cherche pas à « faire » quelque chose, mais se doit d’avoir un esprit libre de toute attente, de tout désir et de toute pensée car ce n’est que dans cet état de vide intérieur que le thérapeute peut se montrer disponible pour écouter et ressentir les courants énergétiques et les besoins fondamentaux de la personne massée. Installé dans un profond silence avec une posture et une attention juste au souffle tel que le bouddhisme zen l’enseigne, le thérapeute peut ainsi aller à la rencontre de l’énergie vitale, le chi, attendant qu’une transformation spontanée de ce courant de vie se fasse de lui-même. Dès lors, nous comprenons mieux pourquoi la pratique du shiatsu est toute autre chose qu’une simple technique de relation. Elle est, de ce point de vue, une voie d’éveil, une pratique exigeante et intense qui intègre touts les contrastes énergétiques puissants.